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Boiteux de Varsovie


 

Genèse par ℐuliette ℬenzoni

A
insi que je le disais en ce même lieu il a quelque temps, la gestation d'un livre s'étire souvent chez moi sur plusieurs années avant qu'il ne vienne au jour. Sans doute parce qu’entre l'instant d'émotion d'où naît l'idée première et la réalisation, intervient la documentation, toujours très longue et parfois, il faut bien en convenir, d'autres idées qui ont l'air plus pressées.  J'expliquais alors que le point de départ d'un roman pouvait être un paysage, un moment de l'Histoire, une légende, un portrait, un tableau, un château. Je pourrais ajouter, à présent, les énigmes de l'Histoire et la fascination des pierres précieuses.

Une idée pour la télévisione

Il y a une quinzaine d'années,un grand comédien de mes amis, bourré de talent et très célèbre mais dont je tairai le nom, m'a suggéré l'envie d'écrire pour la télévision une histoire - en plusieurs épisodes de préférence - dont il pourrait être le héros. Il émettait seulement deux souhaits : l'époque moderne et, si possible,Venise. Je l'avoue : le XXème siècle ne me tentait pas beaucoup, mes préférences tournées plutôt vers le Moyen Âge en France ou ailleurs.
Mais cette grande attirance de mon futur héros pour le modernisme s'expliquait aisément : bien que sportif il ne tenait pas à fréquenter ces âges retardataires où l'on ne connaissait que le cheval comme moyen de locomotion, affichant une nette préférence pour l'automobile, l'avion et le comfort qui s'ensuit. N'ayant alors aucune idée, donc aucun argument à avancer, je me suis rangée à sa suggestion d'autant plus volontiers qu'avec Venise il offrait à mon imagination une belle compensation...

Le pectoral de Moïse

Aussi, pensant que l'esprit soufflerait mieux aux environs de la place Saint-Marc, suis-je partie chercher l'inspiration dans l'incomparable décor de la Sérénissime. Et je l'ai trouvée à l'Accademia dell'Arte, devant un tableau du Titien intitulé la Présentation de la Vierge au Temple de Jérusalem. On y voit officier le grand prêtre paré sur une tunique dorée du fabuleux, du légendaire pectoral dont Dieu lui-même, dans le Livre de l'Exode, indique à Moïse ce qu'il devra être :

Tu feras le pectoral du Jugement en ouvrage d'art...Il sera carré et double ; sa longueur sera d'un empan, sa largeur d'un empan et tu le garniras d'une garniture de pierreries à quatre rangs de pierres. Au premier rang une sardoine, une topaze et une émeraude, au deuxième rang une escarboucle, un saphir et une calcédoine, au troisième rang une opale, une agate et une améthyste et au quatrième rang une chrysolithe, un onyx et un jaspe... Et les pierres, selon les noms des enfants d'Israël, seront au nombre de douze. Elles seront pour les Douze Tribus..."

D'après ce que j'ai pu lire dans divers ouvrages, il semblerait que le pectoral de Moïse ait eu à souffrir du temps et des hommes et que Salomon, en construisant le Temple, l'ait remis en état et garni de nouveau avec des gemmes apportées par les caravanes de la reine de Saba. Autant le dire tout de suite, on ignore ce qu'est devenu ce fantastique joyau plus que probablement volé par les légions romaines au moment du sac de Jérusalem. Les pierres furent dispersées, mais certains auteurs pensent que plusieurs d'entre elles ont orné des couronnes royales.

Personnellement, je pense qu'il existe encore quelque part bien caché, enseveli peut-être et pourquoi pas en Israël puisqu'il était le symbole même des Douze Tribus ? Quoi qu'il en soit, je tenais mon idée et ce serait la quête de quatre pierres que j'ai choisies parmi les plus belles : le saphir, le diamant, l'opale, et l'escarboucle que je décidai d'ailleurs de remplacer par un rubis afin d'avoir un joyau de plus grande valeur.

Quant à la légende selon laquelle Israël retrouverait terre et souveraineté quand le pectoral et ses douze pierres y retourneraient, j'ai tellement creusé mon sujet que je ne sais plus très bien si je l'ai lue quelque part ou si elle est apparue dans mon imagination. En effet, bien que chrétienne - ou plus vraisemblablement parce que je suis chrétienne ! - j'ai toujours éprouvé curiosité et respect pour les grandes traditions juives, leur ésotérisme et, bien sûr, la Kabbale.

Pourquoi le projet est tombé à l'eau...

Rentrée à Paris j'ai écrit presque sans respirer un synopsis de trente pages que j'ai soumis à Claude BARMA.

Malheureusement, ce grand homme de télévision devait mourir peu après le projet est tombé à l'eau. Avec l’idée d'en faire un livre, je l'ai repêché mais, chose curieuse et pour la première fois de ma vie, je ne m'en sortais pas. À la réflexion j'en suis venue à penser que je n'étais pas prête, que l'histoire n'était pas mûre. Trop centrée sur le petit écran. Et je suis passée à autre chose tout en continuant, pour le plaisir, à travailler plus ou moins dessus à temps perdu ce qui n'est pas fréquent.

Et puis, un beau jour, je me suis aperçue que je possédais une documentation très complète, aussi bien sur les pays où je désirais situer le roman que sur le cheminement historique des quatre pierres que je souhaitais mettre en vedette mais, naturellement, il y avait des blancs, des trous qu'il fallait combler de la façon la plus logique, la plus crédible et la mieux accordée aux événements de la foisonnante histoire européenne.
J'achevais alors Les Treize Vents sans trop savoir si je leur donnerais une suite ou pas. En attendant je proposai Le Boiteux de Varsovie à mon éditeur.

Comme l'était la saga des Tremaine, ce sera une tétralogie. Quatre tomes dont les titres respectifs déjà choisis sont l'Étoile bleue que j'ai le plaisir de présenter aujourd'hui, La Rose d'York, l'Opale de Sissi et le Rubis de l'inquisiteur (n.b - qui porte le nom finalement du Rubis de Jeanne la Folle) Il s'agit en effet d'un roman complètement européen. L'Étoile bleue commence à Venise, se poursuit à Varsovie puis à Paris. Le second livre, La Rose, qui aurait pu s'appeler aussi Le Diamant du Téméraire, se déroule en Écosse, à Londres, dans le Kent et enfin à Venise. L'Opale, naturellement aura pour cadre l'Autriche, la Bavière...et Venise. Enfin, le Rubis ira d'Espagne à Prague en passant par la Suisse, Venise bien entendu avec un retour en Pologne. Il se peut même que mon héros aille même faire un tour aux États-Unis...
 


Mon héros, vous le découvrez à présent : Aldo Morosini, prince vénitien ruiné par la Première Guerre mondiale qui se fait antiquaire afin de garder son palais familial. Expert en joyaux historiques et en pierres, il est tout désigné pour se lancer dans la dangereuse aventure que Simon Aranov, le boiteux de Varsovie, lui propose... Des femmes, bien sûr, il y en beaucoup. Séduisantes pour la plupart mais aussi dangereuses, pitoyables, énigmatiques ou claires comme cristal de roche entre lesquelles il faudra bien qu'un jour le prince-antiquaire fasse son choix. J'ajoute qu'à chacune des quatre pierres correspond une créature hors du commun.

Je n'ai pas envie de vous en dire plus, amis lecteurs, pour ne pas gâcher un plaisir que j'ai voulu de toutes mes forces. Vous allez vivre ce qui est à la fois un roman historique, une, un « policier » et une histoire d'amour dont j'espère qu'elle saura vous séduire mais aussi vous retenir. 

Juliette BENZONI




Un dossier exlusif et illustré dans l'édition de France Loisirs 1996




 

Bonus : Les chapitres de la saga écrits de la main même de Juliette...

 
Quand avons-nous la chance de regarder à l'intérieur de l'œuvre d'un auteur ? Notre Juliette était une collectionneuse comme nous. Elle avait vraiment sa boîte secrète - qu'elle n'a jamais partagée ou montrée à personne - sauf avec Les filles des grands chemins....Frédérique et Linda administratrices des pages officielles sur
Facebook et ambassadrices de Juliette Benzoni


Écrits de la main de Juliette, venez découvrir les petits changements opérés entre l'écriture des chapitres et la sortie papier des livres. Photo© de Juliette par Martine Simon
 



 
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